Tuesday, March 24, 2009

LE FIGARO

Le Vietnam courtise ses ex-boat people

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Fabien Rocha
15/10/2007 | Mise à jour : 23:57
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Comme pour bon nombre des Vietnamiens qui fuirent leur nation après la chute de Saïgon, en 1975, il connut la prospérité avec ses entreprises dans son pays d'accueil. Vacances de pêche en Alaska, chaussures de prix, pull siglé en cachemire : une réussite à l'américaine pour l'ex-boat people.

«Bien sûr, que mon pays m'a manqué ! Mais je ne m'y sentais pas vraiment le bienvenu.» M. Pham est retourné au Vietnam pour la première fois il y a deux ans. De sa patrie, il ne lui restait que quelques images de sa ville d'origine, Huê, victime des bombardements américains et des purges menées par le Viêt-cong qui firent au moins 3 000 victimes civiles dans les semaines qui suivirent la prise de la ville, en 1968. Selon la terminologie officielle, M. Pham est un Viêt Kiêu, un «Vietnamien de l'étranger», comme les deux millions et demi d'exilés volontaires et d'enfants de réfugiés (dont environ 300 000 en France) que compte la diaspora.

Depuis le milieu des années 90 et l'ouverture progressive du pays, ils sont chaque année plus nombreux à prendre le chemin du retour. En excursion dans les bus climatisés des tour-opérateurs ou avec l'espoir d'un nouveau départ sur la terre de leurs ancêtres.

Une évolution saluée par la vice-présidente, Mme Truong My Hoa, qui se déclare volontiers réjouie de les voir ainsi «contribuer à la cause commune de la nation». Le 5 septembre dernier, lors de la célébration à Hanoï du soixantième anniversaire de la déclaration d'indépendance, le président de la République, Trân Duc Luong, a lui-même appelé tous les Vietnamiens «dans le pays et à l'étranger, à accélérer le renouveau, l'industrialisation et la modernisation du pays». Cette «réconciliation nationale» passe par des gestes concrets en faveur des Viêt Kiêu : sous conditions, ils peuvent désormais acheter des logements au pays, et l'on vante officiellement tous les bienfaits, culturels ou commerciaux, dont ils peuvent faire bénéficier la patrie. Et ça marcherait : en 2004, 400 000 d'entre eux se sont rendus au Vietnam, soit une hausse estimée à 25% en un an. Selon une enquête du Comité chargé des Vietnamiens d'outre-mer, 65% des Viêt Kiêu affirment même leur désir de bénéficier d'une double nationalité, notamment pour «favoriser leurs activités d'investissement». L'investissement ! Voilà bien ce que le gouvernement espère en retour de ses bons offices en faveur des ex-parias. A l'ombre du dynamique grand frère chinois, la croissance, supérieure à 7%, est devenue pour le régime une préoccupation constante et un gage d'indépendance. Et, pour les investisseurs expatriés, une promesse d'opportunités rémunératrices. D'après Le Courrier du Vietnam, journal francophone édité par l'Agence vietnamienne d'information, l'année dernière, les Viêt Kiêu ont envoyé environ 3,2 milliards de dollars au pays natal, soit une augmentation de 600 millions par rapport à 2003. Des statistiques officielles généralement très douteuses dotées d'au moins une vertu : rassurer les expatriés tentés par le retour.

Pourtant, la justice vietnamienne sait être sévère avec les enfants prodigues. Gia Thieu Nguyen, un Franco-Vietnamien de 40 ans, a été condamné, début décembre, à vingt ans de réclusion après trois années de détention préventive (voir nos éditions du 29 novembre 2005). Importateur de téléphones portables, l'entrepreneur avait fait fortune à Hô Chi Minh-Ville après son retour dans la ville qu'il avait fuie pour la France en 1979. Sa compagnie, Dong Nam Vietnam, créée en 1996, avait connu un rapide succès, au point de devenir en quelques années un petit empire des hautes technologies. Mais, en 2003, il est accusé d'avoir fraudé le fisc à hauteur de 250 milliards de dongs. Sur fond de corruption et de prévarication, vingt-sept personnes seront inculpées, dont seize anciens cadres des douanes et employés de l'aviation... Car, malgré la manne que représentent leurs oncles d'Amérique, les Vietnamiens ne les reçoivent pas forcément à bras ouverts. On leur reproche souvent leur supposée arrogance, d'avoir fui, d'avoir trahi, de n'avoir pas souffert à l'unisson, de ne plus être de «véritables» Vietnamiens mais seulement des apatrides enrichis.

Tam, qui a grandi en Allemagne, l'a appris à ses dépens lors d'un voyage de trois semaines dans le pays qu'il avait quitté à l'âge de 2 ans : «J'étais constamment et immédiatement repéré comme un immigrant sur le retour. Et j'étais traité comme tel... Souvent, on ne voyait en moi qu'une source de profit, un client plus rentable qu'un autre. En me promenant dans les marchés de Saïgon, il m'est arrivé de détester ma condition de Viêt Kiêu...» Dans un pays où l'administration étudie généralement les antécédents familiaux sur trois générations avant d'embaucher (un grand-parent lié au régime sud-vietnamien d'avant guerre est une tare rédhibitoire) et où personne ne déroge au culte des ancêtres, le passé pèse plus lourd qu'ailleurs. En descendant du «train de la réunification» à Nha Trang, suivi par sa Samsonite à roulettes sur le quai battu par la pluie, M. Pham est assailli comme ses compagnons de voyage par les chauffeurs de taxi et de rickshaws. Il est étranger parmi ses compatriotes, et c'est en anglais qu'on l'apostrophe, lui aussi.

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